dimanche 29 mars 2015

Scalawax dans le mag'

Ce mois-ci, dans Reggae Vibes Magazine #41, vous pouvez lire un article écrit par Brother Laurent qui résume une partie de l'interview donnée quelques mois auparavant sur Scalawax sound system et Dubwize shop.
Le voici :

Dub Wize et Scalawax sound system / Original Rude boys

Dub Wize est la plus ancienne boutique spécialisée en reggae encore en activité sur Paris. 

Le sound-system Scalawax et la boutique de disques Dub Wize, créés en 1992 par deux amis Rico et Keekos (disparu en 2013 à l’âge de 50 ans, RIP) rencontrés à l’Université de Jussieu, sont pour tous indissociables.





Très jeune Rico, originaire de Madagascar et habitant Vitry (94), va s’intéresser au reggae. Pour son mémoire de maîtrise, il décide de choisir la musique jamaïcaine et file à Londres. Il devait y rester un mois, il y stationne trois ans, interviewant toute la scène londonienne de l’époque (1989-1992). A son retour, inspiré par la scène reggae anglaise, il ouvre la boutique Dub Wize en avril 1992, alors située dans le 12ème arrondissement parisien, non loin de la place de la Nation.

Rapidement, une foule de sélecteurs et de passionnés se précipitent chez ce disquaire pointu. Le premier slogan de la boutique ? "Le reggae se consomme pur !" C'est la première boutique qui concurrence Blue Moon, véritable institution - Positive Musik avait fermé depuis quelques années et Patate Records n’avait pas encore ouvert sa boutique bien qu’il ait commencé à vendre des disques la même année... Plus qu'une simple boutique de disques, le magasin devient le point de ralliement de générations de passionnés de reggae.

Sa botte secrète : commander le plus possible directement chez les producteurs (et pas chez des grossistes !) tout en dépensant des fortunes en téléphone afin d’écouter les nouveautés jamaïcaines directement. Travail fastidieux s'il en est, il n’y a pas, à l'époque, l’ouverture complète des frontières, et il faut payer cher pour trouver un négociant en douane, le coût du transport se révèle exorbitant. Il faut rappeler aussi qu’à cette époque les commandes de disques se faisaient le plus souvent à l’aveugle, sur listing, sans écoute ! Rapidement, une foule de sélecteurs, de passionnés se précipite chez ce disquaire pointu. Le sort va aussi aider la boutique car, à l’époque, le célèbre Lord Zeljko habite non loin de là, et leur donne un coup de main en faisant leur promotion à la radio... Très vite, l’idée de coupler la boutique à un sound-system est lancée. Ils font leur première soirée, en 1992, dans un loft des Frigos (13e) avec le Sans Limite Crew.

Big Lee, originaire du quartier de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry (92), fréquente le magasin en tant qu’acheteur, mais ce n’est que quelques années plus tard qu’il va intégrer cette véritable école du sound-system. Toute une génération de soundmen va faire son rude apprentissage à la boutique Dub Wize et au sound Scalawax car ce sont des monomaniaques fins connaisseurs de la musique jamaïcaine, mais aussi des rude boys n’aimant ni les "m’as-tu-vu" et ni les prétentieux. Le langage est souvent fleuri, voire cru… On est loin des clichés rastas, ce sont avant tout des passionnés de musique jamaïcaine.    
Il faut dire qu’au début des années 90, toute une faune diverse souvent venue du rap va s’intéresser au ragga (aux sons minimalistes de l’époque) et aux sound-systems. L’ambiance des sounds est ainsi réputée pour être tendue : sur les tracts des sounds du début des années 90, on retrouve souvent la mention "sécurité maximum" et il y a même un tarif différencié entre hommes et femmes pour attirer la gente féminine, peu présente. C’est la grande époque de lieux mythiques comme la péniche Rubis, le Stadium Squash d’Ivry ou la Poterne des Peupliers. Ce sont de véritables outsiders, inconnus, qui vont rapidement se faire une place parmi les sounds de l’époque. Leur sound n’a pas de stars, ni d’artiste phare, c’est une joyeuse école ouverte où de nombreux sélecteurs, DJs, artistes vont faire leurs classes. Les premiers dubplates (Johnny Clarke et Cornell Campbell) qu’ils possèdent, c’est grâce à Aldo B. mais, rapidement, le fait d’être à la fois une boutique de disques et un sound (ce qui est unique en France à l’époque) va leur apporter un avantage concurrentiel.
Joyeux bordel 
En 1994, le magasin déménage au 60, rue Hermel, dans le 18e arrondissement, non loin des Puces de Clignancourt.

Le premier clash du sound sera contre le sound hollandais Echo Sonic à Amsterdam, le samedi 28 octobre 1995. Ils se produiront souvent à l’étranger et, en particulier, à Amsterdam, puis ce sera le clash à Paris contre le Blues Party de King Daddy Nono (R.I.P), le 24 février 1996. Ils enchaînent avec une rencontre avec le Saxon sound de Musclehead, le 1er juin 1996, toujours à la Poterne…

La première date de Big Lee en tant que sélecteur du sound - qui a toujours écumé toutes les boutiques de disques de reggae parisiennes même lorsqu’il sera vendeur à Dub Wize ! - a lieu le 21 juin 1996 dans le quartier de Belleville, pour la Fête de la musique. "Je m’en souviens, il y avait plein de monde et, finalement, ils ont cassé la vitrine du bar, ont essayé de partir avec la caisse enregistreuse, à l’époque, un rien pouvait faire basculer la vibe…"

Big Lee a une formule bien à lui pour caractériser leur mentalité : "Tu sentais le vrai, le peuple, c’était underground, la différence c’était ça. Tu ne pouvais pas aller chez King Dragon ou Standtall et prendre le micro, ils avaient leurs stars. Nous, on était open, c’était une école…" Il poursuit : "On a jamais répété, des fois, c’était n’importe quoi, mais il y avait une vibration de ce joyeux bordel…" Face aux grosses écuries, ils se distinguent par cette spontanéité et cette ouverture, mais aussi par des dubplates d’artistes en devenir à l’époque (Anthony B, Sizzla, Red Rat, Goofy…).

En 1997, le 7 mai, c’est la rencontre tendue avec le Standtall sound.

Il serait long d’énumérer les faits d’armes du sound avec la venue d’artistes anglais comme le Fatman sound, Stampede ou Tippa Irie…

Au départ de Keekos, en 1998, Big Lee devient donc vendeur à Dub Wize. "Tu sais, c’était le paradis, il m’arrivait de dormir dans le magasin, les disques se vendaient à peine les cartons ouverts, les gens se battaient pour les avoir, c’était de la folie !"

Mais, en 2006, face à la baisse régulière des ventes et la banalisation du téléchargement, Big Lee est contraint de quitter le magasin, Rico restant seul aux commandes.

Aujourd’hui, Big Lee est parti vivre à Toulouse, anime un blog (http://scalawax-biglee.blogspot.fr) et il continue à sélecter pour le sound-system Scalawax. Rico, lui, continu de vendre des disques dans son magasin de Stalingrad (4, rue Bellot, 19ème), nommé Skip a Dub depuis 2012. C'est une boutique typique avec un trésor de disques et toujours des nouveautés. Il y fait de la cuisine jamaïcaine tous les week-ends ou sur commande. Il a du s’adapter et monter un nouveau concept face à la situation économique du disque. Comme nous le rappelle Rico : "Notre force, c’est qu‘on est là depuis longtemps, qu’on travaille et qu’on a gardé notre passion intacte ! Il faut souligner que nous sommes encore un sound-system en activité et qui promotionne le vinyle."

Rico & Big Lee sont devenus, au fil du temps, de véritables légendes de la scène reggae parisienne. Une véritable institution à redécouvrir d'urgence ! 

Respects éternels à Rico, Big Lee et à tout le Dub Wize / Scalawax massive !


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En tant que fan de reggae et fidèle acheteur de magazines reggae depuis plusieurs années, je souhaite une longue vie à Reggae Vibes qui est le seul magazine reggae à lutter pour rester vivant...